"Lisez cette œuvre et faites-la lire"
Jésus (Chapitre 38, Volume 10 ) à propos de
l’Évangile tel qu’il m’a été révélé.

L'Évangile de la Messe Paul VI
et l’Évangile tel qu’il m’a été révélé de Maria Valtorta.
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Dimanche 24 mars 2024 - Dimanche des Rameaux et de la Passion

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 14,1-72.15,1-47.
La fête de la Pâque et des pains sans levain allait avoir lieu dans deux jours. Les chefs des prêtres et les scribes cherchaient le moyen d'arrêter Jésus par ruse, pour le faire mourir. Car ils se disaient : « Pas en pleine fête, pour éviter une émeute dans le peuple. » Jésus se trouvait à Béthanie, chez Simon le lépreux. Pendant qu'il était à table, une femme entra, avec un flacon d'albâtre contenant un parfum très pur et de grande valeur. Brisant le flacon, elle le lui versa sur la tête. Or, quelques-uns s'indignaient : « A quoi bon gaspiller ce parfum ? On aurait pu le vendre pour plus de trois cents pièces d'argent et en faire don aux pauvres. » Et ils la critiquaient. Mais Jésus leur dit : « Laissez-la ! Pourquoi la tourmenter ? C'est une action charitable qu'elle a faite envers moi. Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, et, quand vous voudrez, vous pourrez les secourir ; mais moi, vous ne m'aurez pas toujours. Elle a fait tout ce qu'elle pouvait faire. D'avance elle a parfumé mon corps pour mon ensevelissement. Amen, je vous le dis : Partout où la Bonne Nouvelle sera proclamée dans le monde entier, on racontera, en souvenir d'elle, ce qu'elle vient de faire. » Judas Iscariote, l'un des Douze, alla trouver les chefs des prêtres pour leur livrer Jésus. A cette nouvelle, ils se réjouirent et promirent de lui donner de l'argent. Dès lors Judas cherchait une occasion favorable pour le livrer. Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l'on immolait l'agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent : « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour ton repas pascal ? » Il envoie deux disciples : « Allez à la ville ; vous y rencontrerez un homme portant une cruche d'eau. Suivez-le. Et là où il entrera, dites au propriétaire : 'Le maître te fait dire : Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ? 'Il vous montrera, à l'étage, une grande pièce toute prête pour un repas. Faites-y pour nous les préparatifs. » Les disciples partirent, allèrent en ville ; tout se passa comme Jésus le leur avait dit ; et ils préparèrent la Pâque. Le soir venu, Jésus arrive avec les Douze. Pendant qu'ils étaient à table et mangeaient, Jésus leur déclara : « Amen, je vous le dis : l'un de vous, qui mange avec moi, va me livrer. » Ils devinrent tout tristes, et ils lui demandaient l'un après l'autre : « Serait-ce moi ? » Il leur répondit : « C'est l'un des Douze, qui se sert au même plat que moi. Le Fils de l'homme s'en va, comme il est écrit à son sujet ; mais malheureux celui qui le livre ! Il vaudrait mieux pour lui qu'il ne soit pas né. » Pendant le repas, Jésus prit du pain, prononça la bénédiction, le rompit, et le leur donna, en disant : « Prenez, ceci est mon corps. » Puis, prenant une coupe et rendant grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l'Alliance, répandu pour la multitude. Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu'à ce jour où je boirai un vin nouveau dans le royaume de Dieu. » Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers. Jésus leur dit : « Vous allez tous être exposés à tomber, car il est écrit : Je frapperai le berger, et les brebis seront dispersées. Mais, après que je serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée. » Pierre lui dit alors : « Même si tous viennent à tomber, moi, je ne tomberai pas. » Jésus lui répond : « Amen, je te le dis : toi, aujourd'hui, cette nuit même, avant que le coq chante deux fois, tu m'auras renié trois fois. » Mais lui reprenait de plus belle : « Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas. » Et tous disaient de même. Ils parviennent à un domaine appelé Gethsémani. Jésus dit à ses disciples : « Restez ici ; moi, je vais prier. » Puis il emmène avec lui Pierre, Jacques et Jean, et commence à ressentir frayeur et angoisse. Il leur dit : « Mon âme est triste à mourir. Demeurez ici et veillez. » S'écartant un peu, il tombait à terre et priait pour que, s'il était possible, cette heure s'éloigne de lui. Il disait : « Abba. . . Père, tout est possible pour toi. Éloigne de moi cette coupe. Cependant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! » Puis il revient et trouve les disciples endormis. Il dit à Pierre : « Simon, tu dors ! Tu n'as pas eu la force de veiller une heure ? Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation : l'esprit est ardent, mais la chair est faible. » Il retourna prier, en répétant les mêmes paroles. Quand il revint près des disciples, il les trouva endormis, car leurs yeux étaient alourdis. Et ils ne savaient que lui dire. Une troisième fois, il revient et leur dit : « Désormais vous pouvez dormir et vous reposer. C'est fait ; l'heure est venue : voici que le Fils de l'homme est livré aux mains des pécheurs. Levez-vous ! Allons ! Le voici tout proche, celui qui me livre. » Jésus parlait encore quand Judas, l'un des Douze, arriva avec une bande armée d'épées et de bâtons, envoyée par les chefs des prêtres, les scribes et les anciens. Or, le traître leur avait donné un signe convenu : « Celui que j'embrasserai, c'est lui : arrêtez-le, et emmenez-le sous bonne garde. » A peine arrivé, Judas, s'approchant de Jésus, lui dit : « Rabbi ! » Et il l'embrassa. Les autres lui mirent la main dessus et l'arrêtèrent. Un de ceux qui étaient là tira son épée, frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha l'oreille. Alors Jésus leur déclara : « Suis-je donc un bandit pour que vous soyez venus m'arrêter avec des épées et des bâtons ? Chaque jour, j'étais parmi vous dans le Temple, où j'enseignais ; et vous ne m'avez pas arrêté. Mais il faut que les Écritures s'accomplissent. » Les disciples l'abandonnèrent et s'enfuirent tous. Or, un jeune homme suivait Jésus ; il n'avait pour vêtement qu'un drap. On le saisit. Mais lui, lâchant le drap, se sauva tout nu. Ils emmenèrent Jésus chez le grand prêtre, et tous les chefs des prêtres, les anciens et les scribes se rassemblent. Pierre avait suivi Jésus de loin, jusqu'à l'intérieur du palais du grand prêtre, et là, assis parmi les gardes, il se chauffait près du feu. Les chefs des prêtres et tout le grand conseil cherchaient un témoignage contre Jésus pour le faire condamner à mort, et ils n'en trouvaient pas. De fait, plusieurs portaient de faux témoignages contre Jésus, et ces témoignages ne concordaient même pas. Quelques-uns se levaient pour porter contre lui ce faux témoignage : « Nous l'avons entendu dire : 'Je détruirai ce temple fait de main d'homme, et en trois jours j'en rebâtirai un autre qui ne sera pas fait de main d'homme. ' » Et même sur ce point, ils n'étaient pas d'accord. Alors le grand prêtre se leva devant l'assemblée et interrogea Jésus : « Tu ne réponds rien à ce que ces gens déposent contre toi ? » Mais lui gardait le silence, et il ne répondait rien. Le grand prêtre l'interroge de nouveau : « Es-tu le Messie, le Fils du Dieu béni ? » Jésus lui dit : « Je le suis, et vous verrez le Fils de l'homme siéger à la droite du Tout-Puissant, et venir parmi les nuées du ciel. » Alors, le grand prêtre déchire ses vêtements et dit : « Pourquoi nous faut-il encore des témoins ? Vous avez entendu le blasphème. Quel est votre avis ? » Tous prononcèrent qu'il méritait la mort. Quelques-uns se mirent à cracher sur lui, couvrirent son visage d'un voile, et le rouèrent de coups, en disant : « Fais le prophète ! » Et les gardes lui donnèrent des gifles. Comme Pierre était en bas, dans la cour, arrive une servante du grand prêtre. Elle le voit qui se chauffe, le dévisage et lui dit : « Toi aussi, tu étais avec Jésus de Nazareth ! » Pierre le nia : « Je ne sais pas, je ne comprends pas ce que tu veux dire. » Puis il sortit dans le vestibule. La servante, l'ayant vu, recommença à dire à ceux qui se trouvaient là : « En voilà un qui est des leurs ! » De nouveau, Pierre le niait. Un moment après, ceux qui étaient là lui disaient : « Sûrement tu en es ! D'ailleurs, tu es Galiléen. » Alors il se mit à jurer en appelant sur lui la malédiction : « Je ne connais pas l'homme dont vous parlez. » Et aussitôt, un coq chanta pour la seconde fois. Alors Pierre se souvint de la parole de Jésus : « Avant que le coq chante deux fois, tu m'auras renié trois fois. » Et il se mit à pleurer. Dès le matin, les chefs des prêtres convoquèrent les anciens et les scribes, et tout le grand conseil. Puis ils enchaînèrent Jésus et l'emmenèrent pour le livrer à Pilate. Celui-ci l'interrogea : « Es-tu le roi des Juifs ? » Jésus répond : « C'est toi qui le dis. » Les chefs des prêtres multipliaient contre lui les accusations. Pilate lui demandait à nouveau : « Tu ne réponds rien ? Vois toutes les accusations qu'ils portent contre toi. » Mais Jésus ne répondit plus rien, si bien que Pilate s'en étonnait. A chaque fête de Pâque, il relâchait un prisonnier, celui que la foule demandait. Or, il y avait en prison un dénommé Barabbas, arrêté avec des émeutiers pour avoir tué un homme lors de l'émeute. La foule monta donc, et se mit à demander à Pilate la grâce qu'il accordait d'habitude. Pilate leur répondit : « Voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs ? » (Il se rendait bien compte que c'était par jalousie que les chefs des prêtres l'avaient livré. )Ces derniers excitèrent la foule à demander plutôt la grâce de Barabbas. Et comme Pilate reprenait : « Que ferai-je donc de celui que vous appelez le roi des Juifs ? », ils crièrent de nouveau : « Crucifie-le ! » Pilate leur disait : « Qu'a-t-il donc fait de mal ? » Mais ils crièrent encore plus fort : « Crucifie-le ! » Pilate, voulant contenter la foule, relâcha Barabbas, et après avoir fait flageller Jésus, il le livra pour qu'il soit crucifié. Les soldats l'emmenèrent à l'intérieur du Prétoire, c'est-à-dire dans le palais du gouverneur. Ils appellent toute la garde, ils lui mettent un manteau rouge, et lui posent sur la tête une couronne d'épines qu'ils ont tressée. Puis ils se mirent à lui faire des révérences : « Salut, roi des Juifs ! » Ils lui frappaient la tête avec un roseau, crachaient sur lui, et s'agenouillaient pour lui rendre hommage. Quand ils se furent bien moqués de lui, ils lui ôtèrent le manteau rouge, et lui remirent ses vêtements. et ils réquisitionnent, pour porter la croix, un passant, Simon de Cyrène, le père d'Alexandre et de Rufus, qui revenait des champs. Et ils amènent Jésus à l'endroit appelé Golgotha, c'est-à-dire : Lieu-du-Crâne, ou Calvaire. Ils lui offraient du vin aromatisé de myrrhe ; mais il n'en prit pas. Alors ils le crucifient, puis se partagent ses vêtements, en tirant au sort pour savoir la part de chacun. Il était neuf heures lorsqu'on le crucifia. L'inscription indiquant le motif de sa condamnation portait ces mots : « Le roi des Juifs ». Avec lui on crucifie deux bandits, l'un à sa droite, l'autre à sa gauche. Les passants l'injuriaient en hochant la tête : « Hé ! toi qui détruis le Temple et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, descends de la croix ! » De même, les chefs des prêtres se moquaient de lui avec les scribes, en disant entre eux : « Il en a sauvé d'autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! Que le Messie, le roi d'Israël, descende maintenant de la croix ; alors nous verrons et nous croirons. » Même ceux qui étaient crucifiés avec lui l'insultaient. Quand arriva l'heure de midi, il y eut des ténèbres sur toute la terre jusque vers trois heures. Et à trois heures, Jésus cria d'une voix forte : « Éloï, Éloï, lama sabactani ? », ce qui veut dire : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » Quelques-uns de ceux qui étaient là disaient en l'entendant : « Voilà qu'il appelle le prophète Élie ! » L'un d'eux courut tremper une éponge dans une boisson vinaigrée, il la mit au bout d'un roseau, et il lui donnait à boire, en disant : « Attendez ! Nous verrons bien si Élie vient le descendre de là ! » Mais Jésus, poussant un grand cri, expira. Le rideau du Temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu'en bas. Le centurion qui était là en face de Jésus, voyant comment il avait expiré, s'écria : « Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu ! » Il y avait aussi des femmes, qui regardaient de loin, et parmi elles, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques le petit et de José, et Salomé, qui suivaient Jésus et le servaient quand il était en Galilée, et encore beaucoup d'autres, qui étaient montées avec lui à Jérusalem. Déjà le soir était venu ; or, comme c'était la veille du sabbat, le jour où il faut tout préparer, Joseph d'Arimathie intervint. C'était un homme influent, membre du Conseil, et il attendait lui aussi le royaume de Dieu. Il eut le courage d'aller chez Pilate pour demander le corps de Jésus. Pilate, s'étonnant qu'il soit déjà mort, fit appeler le centurion, pour savoir depuis combien de temps Jésus était mort. Sur le rapport du centurion, il permit à Joseph de prendre le corps. Joseph acheta donc un linceul, il descendit Jésus de la croix, l'enveloppa dans le linceul et le déposa dans un sépulcre qui était creusé dans le roc. Puis il roula une pierre contre l'entrée du tombeau. Or, Marie Madeleine et Marie, mère de José, regardaient l'endroit où on l'avait mis.
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris
Correspondance dans "l’Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta
  • Traduction de 2017 : Tome 9, Ch 586, p 327
  • Ancienne traduction :  Tome 8, Ch 47, p 417
  • CD 8, piste 153
  • USB Tome 8, piste 153
La cène a été préparée dans la salle toute blanche où Jésus a parlé aux femmes disciples. C'est toute une splendeur de blanc et d'argent, où mettent une nuance moins neigeuse et moins froide des bouquets de branches de pommiers ou de poiriers, ou d'autres arbres fruitiers, candides comme la neige, mais avec un léger souvenir de rose qui fait penser à de la neige effleurée par un baiser d'une lointaine aurore. Elles se dressent de vases pansus ou de grêles amphores d'argent, sur des tables et sur des coffrets et des crédences qui sont le long des murs de la salle. Les fleurs répandent à travers la salle l'odeur caractéristique des fleurs des arbres à fruit, fraîche, un peu amère, du pur printemps… Lazare entre dans la salle à côté de Jésus. Derrière, deux par deux, ou en groupes plus nombreux, les apôtres. En dernier lieu, les deux sœurs de Lazare avec Maximin. Je ne vois pas les femmes disciples. Je ne vois pas même Marie. Peut-être elles ont préféré rester dans la maison autour de la Mère affligée. On approche du crépuscule. Mais il reste quelques rayons de soleil pour frapper la frondaison bruissante de quelques palmiers qui forment un groupe à quelques mètres de la salle, et la cime d'un laurier gigantesque où des passereaux se disputent avant de prendre leur sommeil. Au-delà du palmier et du laurier, au-delà des haies de roses et de jasmins, des parterres de muguets et d'autres fleurs, et des plantes odoriférantes, la tache blanche saupoudrée de vert tendre des premières feuilles d'un groupe de pommiers ou de poiriers tardifs. Elle semble une nuée restée accrochée dans les branches. Jésus, en passant près d'une amphore garnie de branches, observe: “Elles avaient déjà les premiers petits fruits. Regarde! À la cime des fleurs alors que plus bas la fleur est déjà tombée et que l'ovaire se gonfle.” “C'est Marie qui a voulu les cueillir. Elle en a apporté des bouquets aussi à ta Mère. Elle s'est levé à l'aube, craignant qu'un jour de soleil de plus n'abîmât ces fragiles corolles. J'ai appris depuis peu ce massacre, mais je n'en ai pas été indigné comme les serviteurs agricoles. J'ai pensé, au contraire, qu'il était juste de t'offrir toutes les beautés de la création, à Toi, Roi de toutes les choses.” Jésus s'assoit en souriant à sa place et il regarde Marie qui, avec sa sœur, se dispose à servir comme si elle était une servante, apportant les coupes pour la purification et les serviettes, puis versant le vin dans les calices et mettant les plateaux des mets sur la table à mesure que les serviteurs les apportent de la cuisine ou les présentent, après les avoir découpés sur les crédences. Naturellement, si les sœurs servent avec courtoisie tous les convives, leur empressement va spécialement aux deux convives qui leur sont les plus chers: Jésus et Lazare. A un certain moment Pierre, qui mange avec appétit, observe: “Regarde! Je m'en aperçois maintenant! Tous les plats comme on les sert en Galilée. Il me semble… mais oui! Il me semble être à un repas de noces. Cependant ici le vin ne manque pas comme il manqua à Cana.” Marie sourit en versant à l'apôtre un nouveau calice de vin ambré, très limpide, mais elle ne parle pas. C'est encore Lazare qui explique: “En effet, c'était l'intention des sœurs et spécialement de Marie: servir un repas dans lequel le Maître aurait l'impression d'être dans sa Galilée, certainement meilleure, bien meilleure, bien que pourtant imparfaite que ce qui se fait en cet endroit…”“Mais pour le Lui faire penser, il aurait fallu Marie à cette table. À Cana, elle y était. C'est par elle qu'arriva le miracle” observe Jacques d'Alphée. “Ce devait être un grand vin celui-là!” “Le vin est symbole de gaieté, et devrait l'être aussi de fécondité, puisque c'est le jus de la vigne féconde. Mais il ne me semble pas qu'il ait beaucoup fécondé: Suzanne n'a pas d'enfant” dit l'Iscariote. “Oh! c'était un vin! Il a fécondé notre esprit…” dit Jean, rêvant un peu comme il l'est toujours quand il contemple en son intérieur les miracles opérés par Dieu. Et il termine: “C'est par une vierge que cela a été fait… et une influence de pureté descendit en celui qui le goûta.” “Mais crois-tu Suzanne vierge?” demande l'Iscariote en riant. “Je n'ai pas dit cela. Vierge est la Mère du Seigneur. La virginité découle de tout ce qui est accompli par elle. Je ne cesse de penser comme sont virginisantes toutes les choses qui se font par Marie…” et il rêve de nouveau, souriant à je ne sais quelle vision. “Bienheureux ce garçon! Je crois qu'il ne se rappelle même plus le monde en ce moment. Observez-le” dit Pierre en montrant Jean qui, allongé sur son lit, déplace sans y penser des petits morceaux de pain, oubliant de manger. Jésus aussi se penche un peu pour regarder Jean qui est à un angle du côté de la table disposée en U, et par conséquent un peu en arrière du Seigneur qui est au milieu du côté central, avec son cousin Jacques à gauche et Lazare à droite, et après Lazare, il y a le Zélote et Maximin, comme après Jacques et l'autre Jacques se trouve Pierre. Jean, au contraire, est entre André et Barthélemy, puis il y a Thomas qui a Judas en face, avec Philippe et Mathieu, et le Thaddée qui est exactement à l'angle où commence la table longue, centrale. Marie de Lazare sort de la salle alors que Marthe met sur la table des plateaux remplis de fleurs de figues nouvelles, de tiges vertes de fenouil et d'amandes fraîches cueillies, des fraises ou des framboises, je ne sais, qui semblent encore plus rouges au milieu des fenouils vert pâle et des fleurs et à côté des amandes, des petits melons et autres fruits du même genre… qui me rappellent les melons verts de la basse Italie, et des oranges dorées. “Ces fruits déjà? Je n'en ai vu nulle part de mûrs” dit Pierre en écarquillant les yeux, en montrant les fraises et les melons. “Ils sont venus en partie de la côte au-delà de Gaza où j'ai un jardin de ces produits, et en partie des serres que j'ai au-dessus de la maison, les pépinières des petites plantes plus délicates qu'il faut protéger de la gelée. Un ami romain m'en a enseigné la culture… C'est tout ce qu'il m'a appris de bon…” Lazare s'assombrit, Marthe soupire… Mais Lazare redevient de suite l'hôte parfait qui n'attriste pas ses invités. “On est très habitué dans les villas de Baïes et de Syracuse, et le long du golfe de Sybaris, à cultiver ces délices par cette méthode pour les avoir de bonne heure. Mangez: les derniers fruits des oranges de Libye, les primeurs des melons d'Égypte, qui ont poussé dans les solariums et en eux les fruits latins, et les amandes blanches de notre patrie, les fèves tendres, les tiges digestives qui ont goût d'anis… Marthe, as-tu pensé à l'enfant?” “J'ai pensé à tout. Marie a été émue en se rappelant l'Égypte…” “Nous en avions quelques plantes dans notre pauvre jardin. Dans les grandes chaleurs, c'était une fête de plonger les melons dans le puits du voisin, qui était profond et frais, et en manger le soir… Je me souviens… Et j'avais une chèvre gourmande qu'il fallait garder car elle était avide de jeunes pousses et de fruits tendres…” Jésus, qui parlait la tête un peu inclinée, lève la tête et il regarde les palmiers qui bruissent dans le vent du soir qui tombe. “Quand je vois ces palmiers… Toujours quand je les vois, je revois l'Égypte, sa terre jaune et sableuse que le vent soulevait si facilement, et au loin tremblaient dans l'air raréfié les pyramides… et les hauts fûts des palmiers… et la maison où… mais il est inutile d'en parler. À chaque époque ses soucis… et avec ses soucis sa joie… Lazare, me donnerais-tu quelques-uns de ces fruits? Je voudrais les apporter à Marie et à Mathias, je ne crois pas que Jeanne en ait.” “Elle n'en a pas. Elle en parlait hier se proposant d'en mettre à Béther en faisant construire des solariums. Mais je ne te les donne pas maintenant. J'ai cueilli tout ce que j'en avais et pendant quelques jours on va manquer de fruits mûrs. Je te les enverrai, ou plutôt, envoie les prendre d'ici jeudi. Nous en préparerons une gracieuse corbeille pour ces enfants, n'est-ce pas, Marthe?” “Oui, mon frère. Et nous y mettrons les petits lys des vallées qui plaisent tant à Jeanne.” Marie-Magdeleine rentre. Elle a dans les mains une amphore au col très fin, qui se termine par un bec gracieux comme celui d'un oiseau. L'albâtre est d'une couleur précieuse jaune rose, comme certaines carnations de blondes. Les apôtres la regardent, croyant peut-être qu'elle apporte quelque friandise rare. Mais Marie ne va pas au centre, à l'intérieur de l'U de la table où se trouve sa sœur. Elle passe derrière les lits-sièges, et va se placer entre celui de Jésus et Lazare et celui où sont les deux Jacques. Elle ouvre le vase d'albâtre et met sa main sous le bec, pour recueillir quelques gouttes d'un liquide filant qui coule lentement de l'amphore ouverte. Une odeur pénétrante de tubéreuse et d'autres essences, un parfum intense et très agréable se répand à travers la salle. Mais Marie n'est pas contente du peu qui arrive. Elle se penche et casse d'un coup sûr le col de l'amphore contre le coin du lit de Jésus. Le col fin tombe par terre, répandant sur le marbre du pavé des gouttes parfumées. Maintenant l'amphore a une large ouverture et l'abondance de l'onguent en déborde en un jet épais. Marie se place derrière Jésus et répand l'huile épaisse sur la tête de son Jésus, elle en enduit toutes les boucles, les allonge et puis les met en ordre, sur la tête adorée, avec le peigne qu'elle enlève de ses cheveux. La tête blonde-rouge de Jésus resplendit comme de l'or foncé, très brillant après cette onction. La lumière du lampadaire, que les serviteurs ont allumé, se reflète sur la tête blonde du Christ, comme sur un très beau casque de bronze cuivré. Le parfum est enivrant; il pénètre dans les narines, monte à la tête, à force d'être piquant comme de la poudre à éternuer tant il est pénétrant, répandu ainsi sans mesure. Lazare tourne la tête en arrière. Il sourit en voyant avec quel soin Marie oint et peigne les boucles de Jésus pour que sa tête paraisse en ordre après l'odorante friction. Elle ne se soucie pas que ses tresses ne sont plus maintenues par le large peigne qui aide les épingles à les tenir en place, et elles tombent de plus en plus sur le cou, prêtes à tomber complètement sur les épaules. Marthe aussi regarde et sourit. Les autres parlent entre eux à voix basse et avec des expressions diverses sur le visage. Mais Marie n'est pas encore satisfaite. Il y a encore beaucoup d'onguent dans le vase brisé, et les cheveux de Jésus, si touffus qu'ils soient, en sont déjà saturés. Alors Marie répète le geste d'amour d'un soir lointain. Elle s'agenouille au pied du lit, dénoue les lacets des sandales de Jésus, déchausse ses pieds et, plongeant dans le vase les longs doigts de sa très belle main, elle en tire tout de qu'elle peut d'onguent, et l'étend sur les pieds nus, doigt par doigt, puis sur la plante et le talon et au-dessus à la cheville, qu'elle découvre en rejetant en arrière le vêtement de lin, et afin sur le dos du pied, elle s'attarde sur les métatarses où entreront les clous redoutables, insiste jusqu'à ce qu'elle ne trouve plus de baume dans le creux du vase. Alors elle le brise contre le sol et puis ayant les mains libres, enlève ses grosses épingles, défait rapidement ses lourdes tresses et emporte avec cet écheveau d'or, vivant, doux, coulant, ce qui reste de l'onction des pieds de Jésus, qui laissent dégoutter le baume.
Judas jusque là s'était tu, observant d'un regard impur de luxure et d'envie la femme très belle et le Maître dont elle oignait la tête et les pieds. Il élève la voix, seule voix d'un reproche déclaré. Les autres, pas tous, mais certains, avaient quelque peu murmuré ou fait un geste de désaccord étonné mais paisible. Mais Judas, qui s'est même mis debout pour mieux voir l'onction des pieds du Christ, dit avec mauvaise grâce: “Quel gaspillage inutile et païen! Pourquoi le faire? Et après cela, on ne veut pas que les Chefs du Sanhédrin parlent de péché! Ce sont des actes de courtisane lascive et ils ne s'harmonisent pas avec la nouvelle vie que tu mènes, ô femme. Ils rappellent trop ton passé!” L'insulte est telle que tous restent abasourdis. Elle est telle que tous s'agitent, les uns s'assoyant sur leurs lits, les autres se levant. Tous regardent Judas comme s'il était devenu subitement fou. Marthe rougit. Lazare se lève brusquement en donnant un coup de poing sur la table et il dit: “Dans ma maison…” mais ensuite il regarde Jésus et s'arrête. “Oui. Vous me regardez? Tous, vous avez murmuré dans votre cœur. Mais maintenant que je me suis fait votre écho et que j'ai dit ouvertement ce que vous pensiez, vous voilà prêts à me donner tort. Je répète ce que j'ai dit. Bien sûr je ne veux pas dire que Marie soit l'amante du Maître, mais je dis que certains actes ne conviennent ni à Lui, ni à elle. C'est une action imprudente, et même injuste. Oui. Pourquoi ce gaspillage? Si elle voulait détruire les souvenirs de son passé, elle pouvait me donner ce vase et cet onguent. Il y avait au moins une livre de nard pur, et de grand prix! Je l'aurais vendu pour trois cent deniers au moins car un nard de cette valeur va jusqu'à ce prix. Et je pouvais vendre le vase qui était beau et précieux. J'aurais donné cet argent aux pauvres qui nous assiègent. Il n'y en a jamais assez, et demain, à Jérusalem, innombrables seront ceux qui demanderont une obole.” “Cela c'est vrai!” admettent les autres. “Tu pouvais en employer un peu pour le Maître, et le reste…” Marie de Magdala est comme sourde. Elle continue à essuyer les pieds du Christ avec ses cheveux dénoués qui maintenant, surtout en bas, sont eux aussi alourdis par l'onguent et plus foncés que sur le sommet de la tête. Les pieds de Jésus sont lisses et doux avec leur couleur de vieil ivoire, comme s'ils étaient couverts d'un nouvel épiderme. Et Marie chausse de nouveau les sandales au Christ, et elle baise chaque pied avant et après de le chausser, sourde à tout ce qui n'est pas son amour pour Jésus. Jésus la défend en posant une main sur la tête de Marie inclinée dans le dernier baiser et en disant: “Laissez-la faire. Pourquoi lui donnez-vous peine et ennui? Vous ne savez pas ce qu'elle a fait. Marie a accompli envers Moi une action juste et bonne. Les pauvres il y en aura toujours parmi vous. Moi, je vais m'en aller. Eux, vous les aurez toujours, mais Moi, bientôt, vous ne m'aurez plus. Aux pauvres, vous pourrez toujours donner une obole. À Moi, d'ici peu, au Fils de l'homme parmi les hommes, il ne sera plus possible de donner aucun honneur, par la volonté des hommes et parce que l'heure est venue. Pour elle, l'amour est lumière. Elle sent que je vais mourir et elle a voulu donner à l'avance à mon corps les onctions pour sa sépulture. En vérité je vous dis que là où sera prêchée la Bonne Nouvelle, on fera mémoire de son acte d'amour prophétique. Dans le monde entier, dans tous les siècles. Plaise à Dieu de faire de toute créature une autre Marie, qui ne calcule pas la valeur, qui ne nourrit pas d'attachement, qui ne conserve pas de souvenir, même le plus petit du passé, mais détruit et piétine tout ce qui est de la chair et du monde, et se brise et se répand, comme elle a fait du nard et de l'albâtre, sur son Seigneur et par amour pour Lui. Ne pleure pas, Marie. Je te répète, à cette heure, les paroles que j'ai dites au pharisien Simon et à Marthe ta sœur: "Tout t'est pardonné parce que tu as su aimer totalement". Tu as choisi la meilleure part, et elle ne te sera pas enlevée. Va en paix, ma douce brebis retrouvée. Va en paix. Les pâturages de l'amour seront ta nourriture éternellement. Lève-toi. Baise aussi mes mains qui t'ont absoute et bénie… Combien elles en ont absous, bénis, comblés de bienfaits, mes mains! Et pourtant je vous dis que le peuple que j'ai comblé est en train de préparer pour ces mains la torture…”Il se fait un lourd silence dans la lourde atmosphère du parfum pénétrant. Marie, les cheveux dénoués sur les épaules pour lui servir de manteau et sur le visage pour lui servir de voile, baise la main droite que Jésus lui présente, et ne sait pas en détacher les lèvres…Marthe, émue, s'approche d'elle et rassemble ses cheveux, les tresse en la caressant ensuite et en laissant couler les larmes sur les joues en essayant de les essuyer…Personne n'a plus envie de manger… Les paroles du Christ les rendent pensifs. Le premier qui se lève, c'est Jude d'Alphée. Il demande la permission de se retirer. Son frère Jacques l'imite, et de même André et Jean. Il reste les autres, mais déjà debout, occupés à se purifier les mains dans les bassins d'argent que les serviteurs leur présentent. Marie et Marthe le font avec le Maître et Lazare. Un serviteur entre et se penche pour parler à Maximin. “Maître” dit ce dernier après l'avoir écouté “il y a des personnes qui voudraient te voir. Elles viennent de loin, disent-elles. Que faisons-nous?” Jésus appelle Philippe, Jacques de Zébédée et Thomas et ordonne: “Allez, évangélisez, guérissez, agissez en mon nom. Annoncez que demain je monterai au Temple.” “Sera-t-il bien de le dire, Seigneur?” demande Simon le Zélote. “Il est inutile de le taire, car c'est déjà dit par les ennemis, plus que par les amis, dans la Cité Sainte. Allez!” “Hum! Tant que le savent les amis… on le sait. Mais eux ne trahissent pas. Je ne sais pas comment peuvent le savoir les autres.” “Parmi les nombreux amis, il y a toujours quelqu'ennemi, Simon de Jonas. Trop nombreux sont désormais… les amis, et avec trop de facilité on les accueille comme tels. Quand on pense combien moi, j'ai dû prier et attendre!… Mais c'était les premiers temps et on était circonspect. Puis les triomphes ont ébloui et on ne fut plus circonspect. Et ce fut un mal. Mais cela arrive à tous ceux qui sont victorieux. Les victoires offusquent la limpidité du regard et affaiblissent la prudence dans l'action. Je parle de nous disciples, naturellement, pas du Maître. Lui est parfait. Si nous étions restés à douze, on ne devrait pas trembler par crainte de trahison!” dit Judas de Kériot en mentant effrontément. Il est impossible de décrire le regard que le Christ pose sur l'apôtre traître. Un regard de rappel et de douleur infinis. Mais Judas n'y prête pas attention. Passant devant la table, il se dirige pour sortir… Jésus le suit du regard et quand il voit que réellement il sort, il lui demande: “Où vas-tu?” “Dehors…” répond évasivement Judas. “Hors de cette pièce, ou hors de la maison?” “Dehors… Ainsi… Pour marcher un peu.” “Ne pars pas, Judas. Reste avec Moi, avec nous…” “Tes frères sont sortis et de même Jean avec André. Pourquoi ne dois-je pas sortir, moi?” “Tu ne sors pas pour te reposer comme eux…” Judas ne répond pas, mais entêté, il sort. Dans la salle, on ne parle plus. Les hôtes et les quatre apôtres qui sont restés se regardent entre eux. Jésus regarde dehors. Il s'est levé pour aller à une fenêtre afin de suivre les mouvements de Judas. Quand il le voit sortir de la maison avec le manteau qu'il a déjà endossé, et se diriger vers le portail que de là on ne voit pas, il l'appelle à haute voix: “Judas! Attends-moi. J'ai quelque chose à te dire” et il repousse doucement Lazare qui, devinant une douleur en son Maître, l'avait entouré d'un bras à la taille, et il sort de la salle pour rejoindre Judas qui a continué de marcher, bien que plus lentement. Il le rejoint à un bon tiers de la distance de la maison à l'enceinte du jardin, près d'un bosquet d'arbustes aux feuilles épaisses. Ces feuilles semblent de céramique vert sombre, toutes parsemées de petites fleurs à trochet, et chaque fleur est une petite croix avec de lourds pétales comme s'ils étaient faits de cire à peine jaunie, au parfum intense. Je n'en connais pas le nom. Il l'attire derrière ce massif et, en lui tenant la main toujours serrée sur l'avant bras, il lui demande de nouveau: “Où vas-tu, Judas? Je t'en prie, reste ici!” “Toi qui sais tout, pourquoi me le demandes-tu? Quel besoin as-tu de demander? Toi qui lis dans le cœur des hommes? Tu sais que je vais chez mes amis. Tu ne me permets pas d'y aller. Eux m'appellent. J'y vais.” “Tes amis! Ta ruine dois-tu dire! C'est vers elle que tu vas. Tu vas vers tes vrais assassins. N'y va pas, Judas! N'y va pas! Tu vas commettre un crime… Tu…” “Ah! tu as peur?! Tu as peur finalement?! Tu te sens homme, finalement! Tu es un homme! Rien de plus qu'un homme! Car l'homme seul a peur de la mort. Dieu sait qu'Il ne peut mourir. Si tu te sentais Dieu, tu saurais que tu ne peux mourir et tu n'aurais pas peur. En effet, Toi, maintenant, maintenant que tu sens la mort prochaine, tu l'as cette peur commune à tous les hommes et tu cherches par tous les moyens à l'éloigner, et tu vois partout et en toute chose un danger. Où sont tes belles audaces? Où sont tes affirmations pleines d'assurance que tu es content, que tu as soif d'accomplir le Sacrifice? Tu n'en as plus même un écho dans le cœur! Tu croyais qu'elle ne viendrait jamais cette heure, et alors tu faisais le brave, le généreux, tu disais des phrases solennelles. Va! Tu ne vaux pas mieux que ceux auxquels tu reproches d'être hypocrites! Tu nous as flattés et trahis. Et nous qui avions pour Toi quitté toutes choses! Nous, qui à cause de Toi, sommes haïs! Tu es la cause de notre ruine…” “Suffit. Va! Va! Il ne s'est pas passé beaucoup d'heures depuis que tu m'as dit: "Aide-moi à rester. Défends-moi!" Je l'ai fait. À quoi cela a-t-il servi? Dis-moi encore une chose et réfléchis avant de la dire. Est-ce ta pure volonté? Celle d'aller chez tes amis, de les préférer à Moi?” “Oui. C'est cela. Je n'ai pas besoin de réfléchir, car depuis longtemps je n'ai que cette volonté.” “Et alors, va! Dieu ne violente pas la liberté de l'homme” et Jésus lui tourne le dos pour revenir lentement vers la maison. Quand il en est proche, il lève la tête, attiré par le regard que Lazare, toujours debout à la même place, tient fixé sur Lui. C'est un visage bien pâle qui s'efforce de sourire à l'ami fidèle. Il rentre dans la salle où les quatre apôtres parlent avec Maximin, pendant que Marthe et Marie dirigent le travail des serviteurs qui remettent la salle en ordre en enlevant les nappes et les serviettes qui ont servi pendant le repas. Lazare est allé sur le seuil et entouré de nouveau Jésus à la ceinture et, en passant devant un serviteur, il lui dit: “Apporte-moi le rouleau qui est sur la table de mon cabinet de travail.” Il mène Jésus sur l'un de ces larges sièges qui sont dans l'encadrement des fenêtres pour qu'il s'y assoie. Mais Jésus reste debout, s'efforçant de prêter attention à ce que Lui dit Lazare… Mais il est visible que sa pensée est ailleurs et qu'il a le cœur très affligé, bien que quand il s'aperçoit qu'il est observé par les apôtres, il sourit pour dissiper le soupçon qui existe dans le cœur de qui l'a approché en l'entourant et qui bavarde avec son voisin et fait un clin d'œil qui désigne le Maître. Le serviteur revient avec le rouleau. Pierre qui a vu que ces parchemins contiennent des choses plus élevées que ce que sa tête peut comprendre, se retire en disant: “Les poissons ne mordent pas à certains appâts. Mieux vaut parler avec Maximin d'arbres et de cultures.” Marthe continue son travail. Marie, tout en se taisant, prend part à la conversation de Lazare qui signale au Maître certains passages écrits sur le parchemin, en disant: “N'a-t-il pas une voyance singulière, ce païen, plus que beaucoup d'entre nous? Peut-être… s'il avait été ici pendant que tu es notre Maître, il aurait été parmi tes disciples et un des meilleurs. Et il t'aurait compris comme beaucoup d'entre nous n'en sont pas capables. Et ce poème aurait attiré à son génie l'admiration pour Toi! Tes paroles recueillies et conservées par un esprit qui est lumineux tout en étant celui d'un païen! Ta vie écrite par cette intelligence ouverte et limpide! Nous n'avons plus d'écrivains ni de poètes. Tu es né trop tard, quand l'égoïsme et la corruption socioreligieuse ont éteint en nous la poésie et le génie. Ce que, sans te connaître, ont écrit de Toi nos sages et nos prophètes ne s'est pas rencontré dans la parole vivante de l'un de ceux qui te suivent. Tes préférés, tes fidèles sont, pour la plupart, des gens sans instruction. Et les autres… Non. Nous n'avons plus des Qoléhet pour transmettre aux foules les paroles de ta sagesse et ta figure. Nous ne les avons plus, car il manque l'esprit et la volonté, plus que la capacité de le faire. La partie la plus choisie humainement d'Israël, est sourde comme une trompette détériorée, et ne sait plus chanter les gloires et les merveilles de Dieu. Je crains que tout se perde ou soit altéré en partie par incapacité, en partie par mauvaise volonté…” “Cela n'arrivera pas. L'Esprit du Seigneur, quand il sera établi à l'intérieur des cœurs, répétera mes paroles et en expliquera le sens. C'est l'Esprit de Dieu qui parle sur les lèvres du Christ. Puis… Puis, Il parlera directement aux esprits et Il rappellera mes paroles.” “Oh! que ce soit bientôt! Bientôt, parce que tes paroles sont si peu écoutées et encore moins comprises. Je pense qu'il sera violent comme le feu qui flambe, le rugissement de l'Esprit Saint pour graver dans les esprits par la violence ce qu'ils n'ont pas voulu accueillir parce que c'était plein de douceur. Je pense que l'Esprit flamboyant brûlera de ses flammes les consciences tièdes et engourdies pour écrire sur elles tes paroles. Le monde devra t'aimer. Le Très-Haut le veut! Mais quand sera-ce?” “Quand je me serai consumé dans le Sacrifice d'amour. Alors l'Amour viendra. Il sera comme la belle flamme qui s'élève de la Victime immolée, et cette flamme ne s'éteindra pas car le Sacrifice ne cessera pas. Une fois établi, il durera pendant tout le temps de la Terre.” “Mais alors… Tu devrais être réellement immolé pour que cela arrive?” “C'est cela.” Jésus fait son geste habituel d'adhésion à son propre sort. Il étend les bras avec les mains tournées à l'extérieur et incline la tête. Puis il la relève pour sourire à Lazare affligé, et il dit: “Pourtant elle ne sera pas violente comme un rugissement la voix immatérielle de l'Esprit d'Amour, mais elle sera douce comme l'amour, qui est suave comme le vent de nisan et pourtant fort comme la mort. L'ineffable ministère de l'Amour! Le complément, l'accomplissement de mon ministère. La perfection de mon ministère de Maître… Je ne crains pas, comme tu le crains, que rien se perd de ce que j'ai donné. Au contraire, je te dis en vérité, que des rayons de lumières seront jetés sur mes paroles et que vous en verrez l'esprit. Moi, je m'en vais sereinement parce que je confie ma doctrine à l'Esprit Saint et mon esprit à mon Père.” Il baisse la tête en réfléchissant, et puis il pose le rouleau qui a été à l'origine de la conversation sur une espèce de haute crédence ou un coffre d'ébène, ou d'un autre bois de couleur foncée, tout marqueté d'ivoire jaune, que quatre serviteurs ont apporté de la pièce voisine et où Marthe range les nappes les plus précieuses. Il dit ensuite: “Lazare, viens dehors. J'ai besoin de te parler!” “Tout de suite, Seigneur” et Lazare se lève du siège sur lequel il était assis et il suit Jésus dans le jardin où la lumière baisse, car la dernière clarté du jour est en train de mourir dans le ciel et faiblement encore le clair de lune commence de se manifester.
Extrait de la Traduction de “L’évangile tel qu’il m’a été révélé” de Maria Valtorta ©Centro Editoriale Valtortiano, Italie http://www.mariavaltorta.com/